20 septembre 2018

L'arrache cœur, nouvelle policière


    
L'année dernière, j'ai participé à un concours des Éditions Sharon Kena. Concours qui offrait au gagnant un contrat d'édition. Concours, que j'ai gagné grâce à ce texte que je vous laisse découvrir. 


      J’ai rencontré ma moitié, il y a un an de cela. Ce fut une histoire qui commença de manière banale. Un homme et une femme, seuls dans un bar lambda qui cherchaient à se faire plaisir. Et puis, d'agréable, c’était devenu très bien, puis parfait… Jusqu’à ce qu’on découvre qu’elle était non seulement ma nouvelle coéquipière mais en plus la nièce adorée de mon commissaire ! 
        Camille était merveilleuse. Une nana vraie, sans chichi, qui agissait pour faire ce qui était bien et qui ne se préoccupait pas uniquement d’elle. Pour autant, elle ne se négligeait pas et savait se mettre en valeur quand il fallait. J’aimais vraiment cette fille. Le jour, nous étions partenaires contre le crime, et le soir, nous étions amants. 
        Nous faisions partie de la Section de Recherche de Paris. Camille était notre profiler et elle était excellente. Je ne le disais pas parce qu’elle était ma fiancée, mais bien parce qu’elle s’avérait douée. Elle avait la capacité de s'infiltrer à l’intérieur de la tête de n’importe quel psychopathe puis je le traquais avec mon équipe. 
       Depuis deux mois, nous étions sur la piste d’un tueur en série. Il kidnappait des femmes, les torturait en leur coupant l’annulaire gauche et préparait ses victimes comme on maquille une poupée. Puis, il les sanglait à un lit, pieds et mains liés, les violait et les transperçait d’un coup de couteau dans le cœur. Découvrir ces corps me donnait constamment la nausée. Et aujourd’hui, je craignais pour Camille. Elle avait disparu depuis presque trois jours. Sans elle, j’étais perdu, tout comme notre équipe. Sans ses capacités de profiler, nous avions du mal à comprendre comment le tueur fonctionnait, nous ignorions toujours où il choisissait ses proies.
        Quand on arrivait sur les lieux du crime, nous retrouvions sensiblement les mêmes choses. Le mari en pleurs, complètement hystérique, qui hurlait avoir tué son épouse. Le cadavre de ladite épouse, déguisé en mariée, étendue et attaché sur un lit, en sang. Après les deux premières victimes, nous pensions à des cas isolés, mais au bout de la troisième il était presque certain que quelqu’un les manipulait.
        À la découverte de la quatrième femme, c’était une évidence. Toutes brunes, cheveux longs, yeux bleus, minces.
           Le portrait craché de Camille.
         Cet aliéné – surnommé « L’arrache-Cœur » par la presse – l’avait kidnappé il y a plus de deux jours. Je ne dormais plus, ne résonnait plus normalement, j’étais à bout de nerfs et susceptible. Il y a deux mois, avant que cette foutue affaire nous prenne tout notre temps, j’avais demandé Camille en mariage. Elle m’avait promis que c’était la der des ders. Qu’après avoir élucidé celle-là, on s'envolerait pour Tahiti et on s'unirait sur la plage. C’était son rêve et j’aurai tout fait pour le réaliser. Je ferai tout pour que ça arrive. Ce malade ne la toucherait pas.
            — On a trouvé ! s’écria le bleu de l’équipe. On a trouvé leur putain de point commun !
          Il courut vers moi en agitant des papiers. Axel et le commissaire convergèrent vers mon bureau en même temps que le jeune claqua ses documents devant moi.
            — Après avoir épluché tous les comptes des couples, j’ai trouvé des billets pour un spectacle.             
            — Et alors ? Je ne vois pas en quoi…
            — Les couples touchés sont ceux qui sont allés voir le gars en loge. Et le clou du spectacle, si je peux me permettre… roulement de tambour…
             À ce moment-là, j’avais juste envie de le secouer pour qu’il me dise tout d’un coup.
             — C’est de l’hypnose.
            Je me raidis. Camille adorait ce genre de chose. Elle nous avait acheté des places il y a deux mois. Merde. Nous n’étions pas allés en loge, mais nous étions tombés sur l’artiste à la fin de la séance et nous avions beaucoup discuté. J’étais resté sceptique et le gars nous avait fait un petit tour privé pour nous montrer que c’était efficace. Le coup des doigts qui se collent par la simple pensée avait fonctionné sur moi aussi et Camille s’en était beaucoup amusée.
             — Allo, Arthur ? Ici la Terre… J’ai fait un bide on dirait.
             — Non, j’ai bien entendu. Ça voudrait dire que l’artiste est « L’arrache-cœur » ?
           — Il a raison, ça se tient, intervint Axel, notre collègue. Les veufs n’arrêtent pas de clamer haut et fort qu’ils n’y sont pour rien. Camille avait dressé leurs profils, elle les croyait.
             — D’accord, admettons que ce soit vrai. Quel est le lien ? continuai-je.
            — Bah, c’est lui le lien ! Ce Cole Peterson ! Il doit hypnotiser le mari pour qu’il tue la femme.
         — Mais c’est impossible, arrête ton délire, bougonnai-je. Dégage et trouve-moi une piste sérieuse au lieu de raconter…
           — Arthur ? Vous avez reçu une lettre… bizarre, nous interrompit la secrétaire.
    Elle me la donna et je la regardai sous toutes les coutures. Je finis par l’ouvrir précautionneusement. À l’intérieur, il n’y avait qu’un bout de feuille avec un texte dessus. On aurait dit l’écriture de Camille. Il y avait quelques trainées rouges comme du sang essuyé. Je serrais les dents, les poings et retins mon souffle avant de lire.
          — Je jure que si ce connard a touché à un seul de ses cheveux je…
          — On ne veut pas le savoir. Pas ici devant tant de témoins. On le retrouvera, Arthur, et tu feras ce qu’il faut, m’assura mon collègue Axel. Maintenant, lis.
          J’acquiesçai toujours aussi tendu, mais Axel avait raison. Si je proférais des menaces, ou si je parlai de tuer un homme devant d’autres flics, ils en seraient témoins. Si Cole Peterson mourait de ma main par accident ou parce que je n’avais pas le choix, je ferai l’objet d’une enquête des bœufs carotte.
         — « Tic tac, tic tac, sans elle tu as perdu tes ailes ? Et, tu tombes, tombes dans les méandres de l’inconscient de la Lumière où tous ces innocents, cette armée d’oubliés, observe son supplicié. Tic tac, tic tac, il est presque l’heure. D’une vie ? Ou d’un cœur ? Non, seulement d’un doigt. Si tu ne te dépêches pas, bientôt, elle sera à moi ! Tic tac, tic tac, Icare, tes ailes brûlent. Brûle cette lettre ! »
        Je me levai sans un mot, fouillai mes poches, pris mon briquet et mis le feu au seul indice qu’on avait depuis des jours. Mes collègues hurlèrent en m’arrachant la feuille. Le Bleu réussit à sauver ce bout de papier, pendant que je restai hébété sur la chaise. Axel me tapota la main, mais comme je ne réagissais toujours pas correctement, il appela le commissaire, qui était accessoirement l’oncle de Camille. C’est lui qui me sortit de ma torpeur, sans doute grâce au lien qui nous unissait.
        J’eus du mal à comprendre. Camille, elle, aurait su. Elle était tellement intelligente et elle avait une connaissance sur le monde qui me dépassait. Mais elle n’était plus là. J’allais le tuer. Sans procès. Sans témoin. Juste lui et moi. L’agitation autour s’était calmée. Axel et le Bleu nous rejoignirent au bout de quelques heures. Je ne me souvenais de rien, et dès que j’étais revenu à moi, j’avais eu la nausée.
          — Bon, on n’a pas les premiers mots, mais on se rappelle tous de son tic tac. On a pu sauver le reste. On l’a envoyé en analyse pour le moment. On peut travailler sur le texte si tu te sens ? débuta Axel.
        — Ouais. Il faut trouver comment ce connard m’a hypnotisé à distance, je ne sais même pas comment c’est possible.
         — Alors, moi j’ai suivi ce genre d’émission pour les ménagères, il suffit parfois d’un mot, d’une formule, ou d’un simple son pour plonger la personne dans l’inconscience.
        — Comment je fais pour m’en débarrasser, le Bleu ? criai-je hors de moi.
       — À la télé c’est l’hypnotiseur qui règle le truc, mais je suppose qu’un hypnotiseur doué fera l’affaire, hésita le petit.
         — Merde, je déteste ces gars-là !
         — Camille était allée en voir un, non ? Pour arrêter de fumer, il me semble, intervint Axel.
         — C’est vrai, mais je ne sais plus qui…
         — J’ai le numéro.
        Elle me l’avait filé quand je courais tous les jours pour arrêter et que je crachai mes poumons. Il trottina jusqu’à son bureau pour le chercher, et le Bleu s’installa devant le mien. Il se mit à parler tout seul et à griffonner sur mes post-its.
         — Mais qu’est-ce que tu fais ? lui demandai-je ahuri.
        — J’essaie de déchiffrer ce message, chef. Ce ne sont que des métaphores. J’étais plutôt bon à l’école pour ça. Le meilleur même.
          — Alors, va sur le tableau, que tout le monde voit. Et explique. J’ai confiance.
        Le petit me fixa avec les yeux pétillant de fierté. Camille avait eu raison de vouloir l’inclure dans notre équipe à la sortie de ses études. J’avais pensé qu’il nous ralentirait, mais au contraire, sa fraîcheur nous amenait de nouvelles idées, et un regard neuf sur ces psychotiques. Il se leva, récupéra le feutre noir, sous les yeux des collègues qui l’observaient étonnés. Personne ne touchait à ce tableau. Il était exclusivement réservé à Camille quand elle tentait d’établir le profil du tueur. Elle parvenait à faire des connexions, des parallèles et à mettre en évidence des points qui nous dépassaient. Avoir autorisé le Bleu à utiliser cet outil, signifiait beaucoup pour moi.
          — OK, débuta-t-il. Commençons par la première vraie phrase. Passons sur le tic tac, à mon avis c’est ça qui t’as mis sous hypnose. « Tu tombes dans les méandres de l’inconscient de la lumière. » Je suis certain que c’est une sorte de jeu de piste. Il doit te donner une carte, un indice d’où il se trouve. On voit qu’il a hâte de te retrouver. L’inconscient, fait référence au cerveau, là-dessus on est d’accord.
         J’acquiesçais pendant qu’il notait avec rapidité en traçant des flèches un peu partout.
          — « La Lumière », la Lumière avec une majuscule. Ce doit être un nom, surnom… Synonyme ou je ne sais quoi qui… Je sais ! Paris !
          — Quoi Paris ? reprit Axel qui me tendit le numéro de téléphone de l’hypnotiseur.
          — Eh bien, Paris est la ville des lumières, tout comme New York est la Grosse Pomme !
          — Mais ça n’a pas de sens ! L’inconscient de Paris ? Trouve autre chose, grognai-je.
        — Non ça se tient, le défendit Axel avec concentration. Lis la suite. « Où tous ces innocents, cette armée d’oubliés, observent son supplicié. »
          — C’est du chinois !
          Je tapais dans ma chaise, rageur. Je n’en pouvais plus de piétiner. Camille était entre les mains de ce malade, il était certainement en train de la torturer et j’étais incapable de retrouver ma quiétude pour la sauver. Je ne pouvais pas la perdre. Je l’aimais trop pour ça. Sans elle, ma vie n’avait plus de sens…
         — Calme-toi ! Ta colère n’aidera pas ma nièce, Arthur ! s’écria notre commissaire. Axel, finis ce que tu voulais dire.
         Il régna un silence très tendu dans la salle. Tout le monde attendit un signe, un geste de ma part. Je venais de me faire engueuler par le plus haut gradé. Et lui, jamais il ne s’énervait. Il était droit, juste et intransigeant, mais il gardait son sang-froid. Quelles qu’en soient les raisons. Excepté maintenant. Alors, pour détendre l’atmosphère je bougeai la tête et autorisai Axel à reprendre.
         — Moi ça me parle, tout ça. Ces oubliés, ces innocents, pourraient tout à fait représenter les squelettes des catacombes. Ils l’observent, ils le voient, mais ne disent rien, ce ne sont que des cadavres et lui c’est un supplicié. L’endroit est parfait. Et le fait de tomber, comme il l’écrit au début, ça peut-être, simplement descendre sous Paris, non ?
         — Axel, tu es un génie ! lança le Bleu à la cantonade.
         — C’est une bonne piste. Et, on va la suivre. On n’a plus le temps de trouver autre chose, lâcha le commissaire. L’expertise vient d’arriver, le sang sur la lettre est celui de Camille. Habillez-vous, on va traquer ce psychopathe dans les catacombes. Le Bleu, faites des recherches sur l’hôtel où est logé ce Cole Peterson, il doit en rester proche pour assurer ses représentations. Les catacombes sont une immensité sous Paris, on doit commencer par là.
        — Et, si c’était sous sa salle de spectacle ? demandai-je avec pragmatisme. Il fait son show après tout. Il veut en éblouir plus d’un. Il a un ego surdimensionné, mais il est aussi en manque d’attention. Je pense que d’une certaine manière il ne doit pas être loin de son lieu de scène.
         — Compris le Bleu ? ordonna la commissaire.
         — Je me mets tout de suite sur les plans de la ville ! s’écria le petit.
         — Arthur, va voir l’hypnotiseur de Camille. Si tu restes sa marionnette, Dieu sait ce que tu seras capable de faire.
         Je serrai les dents, au point de les sentir grincer. Il avait raison. Si je me fiais aux témoignages des maris veufs, ce qu’ils avaient fait à leur femme était horrible. Je ne pouvais pas reproduire une telle chose sur Camille, ou alors je me tuerai derrière. Une heure après, je n’étais plus sous l’emprise de qui que ce soit. L’hypnotiseur de Camille avait compris l’urgence et s’était occupé à me rendre moi. Il espérait juste que ça fonctionne sans problème. J’étais réfractaire à la manipulation mentale, mais mon corps réagissait très bien. C’est sans doute pour ça que je n’avais pas remarqué que Cole Peterson m’avait fait quoi que ce soit.
         Je rejoignis mon équipe au sud de la capitale. Le Bleu et Axel n’avaient rien trouvé sous la salle de spectacle, mais il y avait une entrée proche de son hôtel. C’était là notre seule chance de parvenir à sauver Camille. Sur place, on m’harnacha de caméra infrarouge, d’oreillette, et de gilet par balle avant que je ne pénètre dans l’antre du diable. Les tunnels étaient larges, avec peu de hauteur sous plafond, mais il faisait nuit noire et ils étaient interminables.
        Dans l’oreillette, Axel et le Bleu me guidaient. Ils avaient installé un système qui leur permettait de me voir grâce à la chaleur de mon corps. Au bout du couloir, deux fois sur ma gauche, et une fois sur ma droite, ils apercevaient deux autres signatures thermiques. Une statique et une en mouvement. Il était impossible de savoir s’il s’agissait de Cole et Camille. Même si ce côté des catacombes n’était pas connu, beaucoup de squatteurs y séjournaient. Heureusement, une équipe lourdement armée me suivait de près tout en restant discrète.
         Peterson ignorait que je n’étais plus sous son emprise ce qui me donnait une longueur d'avance sur lui. Plus je m’enfonçais dans ces galeries répugnantes et obscures, plus mon cœur battait fort. L’excitation était à son comble, j’avais autant hâte que peur de les retrouver. Puis, le chef de la brigade m’arrêta en tirant sur mon bras droit. Il me fit signe que l’entrée du souterrain où se terrait Peterson était là. Que ses hommes ne pourraient plus me couvrir sous peine de se faire remarquer J’étais seul à présent. Seul avec mes propres craintes.
         Au bout d’une dizaine de minutes, mes lunettes infrarouges me furent inutiles. Il y avait de la lumière partout grâce à un générateur de secours. J’enlevai le masque et remis mon arme en place quand j’entendis quelqu’un frapper dans ses mains. Je me retournai et c’est à ce moment-là que je la vis, de dos. Sur une chaise, bâillonnée, pieds sanglés, poignets attachés dans le dos. La rage s’empara de moi comme jamais jusqu’alors. Et je n’eus qu’une envie : courir vers elle.
          — Je ne ferais pas ça si j’étais toi. Si tu avances, elle meurt. Si tu me touches, elle meurt. Si tu tentes quoi que ce soit… ils meurent.
        Je ne percutai pas de qui Peterson parlait, jusqu’à ce qu’il me montre la barrière de C4 qu’il avait installée à l’entrée de la grotte. Il m’avait permis de le rejoindre, mais il avait anticipé mes actions. Évidemment, il avait imaginé que je ne viendrais pas seul. Si je ne suivais pas ses consignes, il ferait tout exploser. Lui avec. Alors, je lâchai mon arme à terre et levai les mains.
       — C’est ce que tu voulais, pas vrai ! m’écriai-je. Je me rends à toi. Ne fais pas péter ces explosifs. Tu gâcherais le spectacle.
         J’avais dit ça de manière à ce qu’Axel et le Bleu comprennent le problème. Ils me chuchotèrent qu’ils avaient saisi et qu’ils trouveraient une solution pour m’aider.
         — On a perdu assez de temps. Je t’ai surestimé. Je te croyais plus intelligent et plus rapide. Et maintenant, tic-tac, tic-tac ! Il est l’heure…
         J’entendis dans l’oreillette mes collègues me crier que c’était la phrase censée me replonger dans l’état hypnotique. Il fallait donc que je joue le jeu et que Peterson me pense sous son emprise. Le psychologue spécialisé de Camille m’avait expliqué comment je devais me comporter, et, j’avais supposé sur le moment, que ce serait facile. Mais, j’avais occulté la rage qui grondait en moi. Voir la femme que j’aimais plus que tout, déguisée en mariée, ensanglantée et attachée comme une vulgaire poupée de chiffon me mettait hors de moi.
         — Lâche tes armes, Arthur. Viens retrouver ta mariée. Tu vas la baiser avant de la tuer.
       Je m’exécutai et enlevai tout ce qui m’entravait. Le gilet par balle, mes holsters, mes armes. Tout. Puis, doucement, je les rejoignis. Mes yeux ne cessèrent de fixer le dos de ma femme. 
         — Tu la veux, n’est-ce pas ? Alors, je vais te l’offrir une dernière fois, juste une, avant de la crever.
       Je ne pus m’empêcher de relever la tête avec une folie meurtrière. J’avais contenu les insanités qui me pressaient les lèvres, mais c’était tout ce dont ma volonté était capable.
        — Oh, tu te rebelles ? Ton esprit me combat ? J’aime les défis. Mais… Tic-tac, tic-tac, il est l’heure de lui prendre le cœur !
         Il se mit à rire à gorge déployée comme un dément. J’en profitai pour courir vers Camille qui n'avait pas bougé. J’aperçus ses mains pleines de ce liquide poisseux et le vide à la place de l’annulaire. Ce psychopathe le lui avait coupé. J’eus un haut-le-cœur. Alors que je venais de lui desserrer les liens, je sentis la lame de l’acier me mordre le cou.
         — Tu es trop fougueux. Calme-toi ou je te tranche la gorge avant que tu ne puisses la baiser. Il faut pratiquer le rituel. Encore et toujours le rituel, sinon je ne récupérerai pas son âme. Et, je serai vide. Pouf, plus de pouvoir, plus de passion. Le rituel est primordial pour la mariée. Le démariage. L’arrachage de la bague, le fornicage et…et…. Et l’arrache cœur ! Youhou ! Ensuite, c’est la célébration où le mari pleure, pleure et où, enfin je jouis ! Ah, c’est si bon ! Mais d’abord, le rituel. Hop hop ! Allez, tic-tac, tic tac, dépêche-toi nous allons être en retard.
         Je n’en pouvais plus, ce mec était complètement timbré. Il fallait que ça cesse. Et vite. Axel et le Bleu m’avertirent que les explosifs avaient été désamorcés. L’équipe s'était déployée pour paralyser le psychopathe, mais je devais impérativement sécuriser Camille.
         — Prends là ! Comme un chien ! Là, par terre ! s’écria soudain Peterson.
        Je me levai et tournai enfin vers Camille. Elle était inanimée. Elle… Je paniquai. Elle ne pouvait pas. Elle ne devait pas mourir ! Son rite était important selon lui. Il ne tuait jamais les victimes avant ! Axel me prévint pour que je me mette en position, que les gars s’apprêtaient à débouler. Je repris mes esprits, et embrassai Camille qui toussa. Je soufflai de soulagement. Elle vivait. Je la portai dans mes bras.
         D’un instant à l’autre, les coups de feu allaient retentir. Pour la dernière fois, j’obéis aux ordres de ce psychotique et me couchai à même la terre sableuse des catacombes, sur ma Camille qui émergeait à peine. Je lui chuchotai de ne pas bouger, mais trop tard. Peterson avait entendu l'escouade. Il se mit à hurler et gesticuler comme un possédé puis récupéra son sabre. Le chef lui aboya de baisser son arme et Peterson s’exécuta avec un immense plaisir en me transperçant le dos jusqu'au cœur. Tout ce que j’espérai, c’est que Camille s’en sortirait. Moi, j’étais foutu.
        Je perçus une détonation, puis deux, trois. Et des cris, Camille. Ma Camille, elle allait bien. C’est tout ce qui comptait. Ma femme, mon trésor était en vie, alors, dans mon ultime souffle, je lui avouais à quel point je l’aimais de toute mon âme. Puis, je tendis les bras à la mort. Elle m’emporta pour mon dernier voyage dans les limbes du Paradis où j’attendrai impatiemment que l’éternité s’écoule pour que ma bien-aimée me rejoigne. 


Petits mots

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